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5ème lettre à Valentine

Très chère Valentine,

J'ai reçu votre lettre et j'ai attendu d'être en face du Mont Blanc pour l'ouvrir.

Je vois que vos journées sont très occupées et que vous prenez aussi du temps pour vous.

J'aurais aimé être allongé dans l'herbe pendant votre baignade dans la rivière à côté de vous. Une gouille assez profonde et large pour vous permettre de nager un peu. Je vous vois renversant votre tête pour lisser avec l'eau vos longs cheveux vers l'arrière. Les dernières gouttes d'eau descendent le long de votre colonne vertébrale dans ce sillon qui fuit vers le bas. Toutes ces gouttes d'eau sur votre corps ressemblent à des perles qui brillent de mille feux. Une goutte, un peu plus importante, descend sur l'arête de votre petit nez et d'une pichenette d'air de votre bouche, elle valse en une multitude de petits éclats de diamant dans la lumière rasante du soir. Sur vos seins, légèrement huilés d'ambre solaire, je les vois accélérer puis ralentir un peu avant de finir leur course folle sur le galbe et sur votre ventre. Vos cheveux sont-ils aussi longs que deux coudées?

Oui, je suis passé de l'autre côté du lac Leman et c'est un ravissement pour les yeux car quelque soit le côté où je regarde, il y a toujours un sommet qui pointe vers le ciel.

C'est un peu plus difficile pour les jambes car les montées et les descentes s'enchaînent avec un fort dénivelé mais mes yeux peuvent regarder au loin ces paysages si magnifiques. De plus, depuis les derniers orages, la luminosité est telle que le ciel est limpide et, même si des nuages en forme de mouton se dessinent à partir du milieu de la journée, cela ne fait qu'embellir le vert et le gris de la montagne.

Un petit désespoir m'envahit car plus j'avance, plus je me condamne à  ne plus vous lire, et plus je vous lis, plus j'ai envie d'avancer. Tel sur le métier à tisser de Pénélope, devrais-je marcher la nuit à reculons.... Comme vous, j'ai envie de baignade et Nice sera ma gouille.

Le ruisselement de vos mots sur le papier embellissent mes douces soirées et j'entends avec impatience ces petites chutes d'encre qui descendent la montagne pour me faire rêver....

Jean-Yves

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