Première lettre à Valentine (03/07/2013)

Voilà une semaine que je suis parti sur le GR 5. Je voulais commencer doucement mais le mauvais temps pousse un peu à marcher. A part le premier jour, je fais une moyenne de 20 km par jour, sauf aujourd'hui, juste un peu moins de trente. Je ne veux pas faire de record mais je marche six à sept heures par jour.

J'ai encore des doutes sur la réussite car la mécanique, la mienne, oui, grince encore un peu. Je connais mon corps par coeur, ce qui me permet d'anticiper presque tous les maux. Je sais parfaitement ce que je peux lui demander et là, je reste un peu en réserve, cela ne fait que sept jours.

Ma tête, elle, est prête, tu le sais depuis longtemps, de ce côté-là, pas de souci. Mon sac? Encore plein de questions au sujet de ce que j'ai dedans, cela va s'affiner avec le temps, toujours l'impression d'en avoir trop.

Mes sens, eux, se sont réveillés en trois jours, dans la forêt. Ce sont d'abord les oreilles qui doivent fonctionner, j'entends le chevreuil avant de le voir.

Ca, grâce à une aventure dans les Pyrénées alors que je devais avoir 16, 17 ans. Alors que je faisais de la montagne avec une structure sportive, un jour, notre guide a emmené un couple d'aveugles pour leur faire découvrir la montagne. Pour marcher, simple, il posait sa main sur mon épaule et je lui disais comment poser le pied, etc..juqu'au moment où il m'a demandé de me taire car il ressentait mes mouvements. Il arrivait à savoir de combien je m'élevais et faisait de même. En arrivant dans un cirques, je me rappelle m'être arrêté pour lui faire un tour d'horizon. Il m'a écouté précautionneusement : "A droite, une pente herbeuse montant moyennement avec au dessus une grosse montagne, devant des sapins avec le sentier qui passe au pied, à droite un gros pierrier avec d'énormes blocs..." Ce qui s'est passé... m'a assis et même aujourd'hui...

C'est lui qui a continué : " Tu as oublié : à gauche, le petit ruisseau qui doit faire une petite cascade et il vient de plus haut sur la gauche car je l'entends là-bas aussi. La montagne, c'est une falaise car le bruit est très net, le soleil est là un peu sur la gauche et devant nous, écoute les oiseaux dans les arbres. Il y en a au moins trois. A droite, le son du vent est assourdi sûrement par des rochers..."

Je n'en revenais pas : j'étais sourd! C'est vrai que depuis ce moment, j'ai toujours essayé de travailler mes sens différemment. Un jour en montagne, arrête toi, ferme les yeux et écoute. Bouge ta tête, l'âne bouge ses oreilles, nos pavillons sont fixes. Tourne doucement, avant d'entendre : oh! Marcel, bouge toi du chemin... Plus sérieusement, écoute puis ensuite observe, c'est fou ce que l'on peut voir avec ses oreilles.

Demain, au travail, ferme les yeux un moment pour découvrir les bruits nouveaux autour de toi. Avant d'entendre : "apporte moi un café.. sinon t'es virée...

A bientôt

Jean-Yves

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